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Francis Volery: «Je vous imaginais plus vieux...»

 

…me disait un jour, il y a dix ans de cela, un choriste jurassien qui me rencontrait pour la première fois et qui était visiblement ravi de mettre un visage sur le compositeur d’une chanson qu’il avait bien aimé chanter avec sa chorale. Cette phrase, qui voulait être un compliment, m’a après coup et pour quelque temps, beaucoup interpellé ! Voulait-elle dire que chanter dans une chorale ou écrire des chansons pour des chœurs de villages était «une affaire de vieux», un loisir d’un autre temps?! Ou venait-elle simplement me rappeler que mon activité de compositeur avait commencé très jeune. Pour moi qui suis «tombé dedans» dès mon enfance, chanter à l’église, à l’école et surtout en famille était une seconde nature, un acte spontané que bien des familles fribourgeoises, valaisannes ou vaudoises pratiquaient tous les jours.

Dès l’âge de dix ans, je n’ai cessé d’écrire, d’improviser des mélodies pour enfants d’abord, puis pour chœurs, avec mon accordéon, mon premier piano ou ma voix , spontanément, instinctivement, bien avant de connaître ou d’apprendre les règles d’harmonie ou de contrepoint. J’ai chanté au chœur d’hommes de ma paroisse les hymnes, les psaumes, les introïts dans les vieux missels en notation carrée, sous l’œil et l’oreille bienveillante et vigilante de mon père, de mon oncle, de mes cousins, «maîtres chantres», du grégorien souvent ânonné, approximatif et parfois chancelant, avec des incursions dans les «tons gallicans»! Il ne m’est jamais venu à l’idée que cette activité-là pouvait être d’un autre âge, alors que parallèlement, je me trouvais en pleine période «baba-cool» et j’écoutais et chantais les Beatles, les Rolling Stones, les Bee-Gees. Et même à l’époque où je découvrais et jouais Bach, Mozart, Beethoven, Debussy ou Satie, où je chantais Palestrina, Vittoria ou les madrigaux de la Renaissance à la Maîtrise de St-Michel, Joseph Bovet, Jaques-Dalcroze, Doret, Kaelin restaient à mon menu quotidien, porteurs de quelque chose de profond, d’essentiel.

Chef de chœur, j’ai toujours gardé cette fibre chorale romande et je m’étonnais que les musiciens «sérieux» la dénigrent. «D’un autre temps» voulait dire pour moi «mes racines». La complicité avec Gérard Plancherel, Bernard Ducarroz et Emile Gardaz a confirmé cette conviction: il y a en Suisse Romande un mode d’expression privilégié qui est le chant choral populaire. Les auteurs et compositeurs ne «refont pas» du Bovet, du Kaelin: ils utilisent un langage compris de tous et où chanteurs et auditeurs expriment au plus profond d’eux-mêmes leur quotidien plus ou moins rose, leur foi , leurs peines et leurs joie, leurs espoirs «Je chante pour donner ma voix à la fontaine» écrivait Emile Gardaz dans le credo du chanteur. Cette démarche de «chanson populaire élaborée» n’est pas anachronique. C’est une véritable «inculturation».

J’ai eu l’occasion d’en parler avec Bepi de Marzi qui, dans ses «storie» pour son chœur I Crodaioli, utilise les voix et les cadences harmoniques cisalpines. Un jour il me dit, un peu désabusé: «il ne faut pas continuer dans cette voie, nous sommes dans une impasse, tout a déjà été écrit, pourquoi refaire des chansons alors qu’il en existe tellement et de tellement plus belles?!» Nouvelle question qui venait m’ ébranler et qui rejoignait une réponse de Michel Corboz à qui l’on demandait pourquoi il n’écrivait plus de chansons pour chœurs et qui avait répondu: «il y a tellement de choses si belles déjà écrites qu’il est inutile d’en rajouter».

Le lendemain de la rencontre avec Bepi, il me téléphonait pour me dire : « oublie ce que j’ai dit hier, il faut au contraire, continuer à écrire, on a en nous ce besoin fondamental de le faire et les chœurs se retrouvent dans ce qu’on écrit. Il suffit de voir les yeux brillants ou embués de ceux qui chantent ou qui écoutent pour être persuadés que, même si ces chansons vont passer, elles auront apporté, l’espace d’un instant, un « supplément d’âme»! Signore delle Cime» Maria Lassu» «Nicolaewska» ne vont pas contredire ce credo. Ces «chansons d’un jour» sont des irréfutables témoins de la profondeur de cette démarche, comme peuvent l’être pour nous «A travers bois» «le Petit Pays», «Le Secret du Ruisseau», «Soir d’Octobre» «Chante en mon Cœur» «Adyu mon bi Payi», le «Vieux Chalet» le «Ranz des Vaches» et combien d’autres, sans oublier l’incomparable «Nouthra Dona di Maortse», qui sont les perles de cette immense corbeille de chansons que de jeunes compositeurs continuent de remplir, y mettant leur touche personnelle.

Si, au Québec ou en France, on harmonise pour chœurs les chansons des chansonniers ou d’artistes de variété avec plus ou moins de bonheur –la démarche irrite parfois les musiciens puristes ou enfermés dans leurs chapelles- ici on crée des chansons dans un langage adapté aux possibilités de nos choristes avec des apports venus du jazz ou de folklores étrangers.

KALEIDOSCHORAL a permis de faire l’inventaire choral de Suisse Romande, tous genres, toutes mouvances confondus, dans le respect de chaque témoignage musical porté par des ensembles de haut niveau. Le résultat est porteur des plus grands espoirs. Le chant choral se porte plutôt bien, du yodel au gospel, en passant par le classique, le traditionnel et même l’insolite. La spécificité de la «chanson romande élaborée» a été saluée comme une démarche originale, riche et pas «ringarde» grâce à des auteurs qui ont su sortir le genre de la nostalgie des images passéistes.

Car, qui dit chanson dit texte et auteurs, on l’oublie trop souvent, et pourtant leur rôle est capital dans le renouvellement du répertoire. Ce sont eux qui expriment leur temps et on ne saurait dire assez combien Emile Gardaz nous a apporté de vraies perles, qui n’ont rien de folkloriques; il y exprime les gens d’ici et d’ailleurs, peint paysages et personnages avec tendresse, humour et profondeur. Tous les compositeurs romands ont connu ce bonheur de faire route avec lui, de mettre en musique ses textes, de facture irréprochable et dont les images font mouche à chaque fois et quelle dimension humaine s’en dégage! L’ouverture aux autres, venus d’ailleurs, la richesse de la «différence», les petits travers humains et surtout la découverte de son identité en allant voir ailleurs, autant de thèmes chers à Emile.

La démarche de ceux qui écrivent des textes est semblable à celle des musiciens: ce ne sont pas des poèmes d’une élite cultivée et littéraire: ce sont des pistes, des flashes de vie. Quand je reçois un texte, je le lis longtemps et plusieurs fois, même à haute voix; je le laisse mûrir quelques jours ou quelques mois et je le reprends plus tard: Les phrases musicales, les harmonies viennent alors très vite, comme dictées par ma lecture personnelle du texte et la chanson prend forme; elle s’impose et ne sera jamais autrement. Elle restera ou pas, on n’en sait rien. On ne cherche pas à créer un tube pour plaire, on fait ce qui vient et tant mieux si cette chanson passe la rampe et surtout touche juste.

Je dirais aux jeunes compositeurs de ne pas se considérer comme des acteurs culturels «d’un autre temps» mais de se forger, au fil des chansons, leur propre langage, de ne pas faire des «exercices d’harmonie» ou de l’épate, mais d’entrer dans les textes, de penser aux interprètes, à leurs possibilités comme à leurs limites et, surtout, à leur plaisir, à leurs capacités d’être touchés, à entrer dedans avec le cœur. Je leur dirai de ne pas se regarder écrire mais d’écrire pour les gens qu’ils aiment, par pour les collègues musiciens. Et tant pis si l’on vous fait rentrer dans le catalogue d’une telle ou telle mouvance!

Je dirais aussi aux responsables culturels des cantons romands de poursuivre leur soutien à cette démarche unique et enviée ailleurs et, pour suivre les propos réitérés et les actes de Pascal Corminboeuf, d’aider et de reconnaître hic et nunc ceux qui écrivent, d’en être fiers, de ne pas être frileux à l’égard des créateurs d’ici, souvent trop modestes …et ne pas attendre qu’ils soient morts pour les remercier ou leur rendre hommage!

 
 


 

 

 

Les interviews intégrales:

François Pantillon: «De vrais talents émergent»

Gonzague Monney:
«Le soutien manque»


Pascal Mayer: «La barre est mise très haut»

Francis Volery: «Je vous imaginais plus vieux...»

Catherine Débois-Ruffieux: «Chanter, c’est aimer»