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Karlheinz Stockhausen à l’écoute des vibrations du cosmos

 

La musique a toujours été sa raison d’être. Karlheinz Stockhausen, né d’une modeste famille à Môdrath, près de Cologne, a été initié très tôt au piano. Mais sa vocation essentielle était ailleurs que dans les gammes, les accords ou la mélodie sur un clavier… Elle était dans cette narration originale qui allait le conduire aux confins de l’univers de Luigi Nono, John Cage, Pierre Boulez, Messiaen et allait permettre, grâce à ses fabuleuses expérimentations, des ouvertures nouvelles à Miles Davis, Frank Zappa ainsi qu’au groupe Radio Head et à certaines expressions pop et techno qui font tant de ravages aujourd’hui.

Il y a à peine quelques jours, à l’annonce de la mort du compositeur du monumental opéra Licht, Pierre Boulez n’hésite pas à dire que « Stockhausen est considéré comme l’un des plus grands créateurs de la seconde moitié du XIXe siècle ». Dimension beethovenienne, dans son aspect de grandeur, d’innovation et de jamais entendu, qu’on s’accorde parfaitement à donner à celui qui révolutionne, avec tant d’aplomb, l’expression musicale moderne. Pour lui, son « tout est possible » le conduit, en toute sécurité et sérénité, dans les périlleuses voies d’une aventure permanente. Une aventure qu’on juge aujourd’hui, après toute une vie vouée à la recherche des sons, comme un monumental et exceptionnel accomplissement.

Du piano à la multiplicité du silence…
Très tôt, il s’affirme, dans sa volonté et sa détermination, de faire et d’écrire de la musique différemment ! Et très tôt, son originalité, controversée, haïe ou adulée, est perçue pour certains comme un trait révulsif, pour d’autres comme un trait génial, et sans nul doute à retenir, pour la musique contemporaine. Ses premières partitions pour chœurs a cappella. En fait trois lieds sont retenus par le jury de la ville de Darmstadt. Mais le public lui emboîte le pas avec Kreuzspiel, accueilli avec un succès incroyable, bien plus que simplement honorable. Et que dire alors de cet engouement sans précédent pour pareille musique sèche et syncopée que celle de ce retentissant Chant des adolescents, d’une criante et provocante.

Modernité?

Musique « hypercalculée » que celle de ce compositeur qui n’hésite pas à écrire pour quatre archets et chœur (Carré), trois ou quatre orchestres à la fois, ou même une musique mixte associant électronique, piano et percussion (Kontacte).
À l’écoute des vibrations du cosmos, entre les Portes du ciel (titre de l’un de ses derniers opus) et un monde dominé par les éructations aux bonds vertigineux de l’électronique, Stockhausen a érigé une œuvre sonore colossale.
Plus de 300 opus à son actif. C’est monumental. D’autant plus que souvent ces opus, intimement imbriqués, sont eux-mêmes de dimensions gigantesques. À son départ de cet univers dont il a tant voulu percer le secret et le mystère, Stockhausen lègue une vision « sonore » unique. Une vision où lyrisme et onirisme ont des accents entre grincement et effacement. Des accents faisant joindre le froissement des ailes des anges au rougeoiement de l’enfer, l’éclat des étoiles qui palpitent aux sourdes rumeurs du ventre de la terre…

Libérer la nouvelle musique

Le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen est décédé le 5 décembre à l'âge de 79 ans. Eleonore Büning rend hommage à ce pionnier de la musique électronique. "Par son exigence messianique, son immense talent et l'exclusivité fanatique avec laquelle il gérait ses propres affaires, Karlheinz Stockhausen a réussi à libérer la nouvelle musique de sa tour d'ivoire et à la présenter à un plus large public (...) En 1977, il a entamé son oeuvre majeure: la gigantesque série 'Licht' ['Lumière'] qui a nécessité d'énormes ressources techniques et humaines. Elle a été distillée pièce après pièce jusqu'à une époque très récente. Le 'Quatuor pour hélicoptères', une de ses dernières pièces, faisant intervenir un quatuor à cordes et quatre hélicoptères, a été présentée à Salzbourg en 2003. Ce mariage entre profusion technologique et filigrane musical a fasciné des auditeurs que les nouveaux sons n'intéressaient pourtant pas."

 
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