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Rencontre
article paru en novembre 2000

Rencontre avec... Pierre Brodard

Par une matinée d´octobre froide et pluvieuse, Pierre Brodard nous a reçus dans sa ferme située entre les villages fribourgeois de Treyvaux et de Pont-la-Ville. La vie de ce sympathique jeune homme, sensible et attaché aux valeurs de son coin de terre, a été quelque peu bousculée depuis qu´il a décidé, voilà un peu plus de deux ans, de participer à la Fête des Vignerons. Lui, qui n´avait jamais chanté dans une chorale auparavant, a été retenu comme deuxième soliste pour interpréter, dans l´arène de Vevey, le célèbre Ranz des Vaches. Si le temps est maussade à l´extérieur, dans la cuisine de la ferme, les yeux de notre hôte s´illuminent et son visage rayonne à l´évocation de ces souvenirs.



Spf : Avant que vous ne décidiez de vous inscrire pour l´audition du ranz des vaches, vous n´aviez jamais chanté dans une chorale ?

P.B. : Non, ma voix était inconnue. Je chantais si j´en avais l´occasion, mais j´étais assez timide... Je ne chantais pas tellement. J´employais beaucoup ma voix et je l´emploie encore, surtout lorsque j´appelle mon bétail. Quand j´étais enfant, mon grand-père choisissait toujours celui qui avait la voix la plus claire pour aller devant le bétail. Et depuis que je suis tout petit, je vais devant les vaches. Je n´employais ma voix que pour ça et pour chanter à la messe. Mais souvent, je ne savais pas les paroles alors je ne chantais que des tous petits bouts. Ce que j´ai le plus fait, c´est les 1er mai. Enfant, j´allais, avec avec mes frères et soeurs (nous étions 4 enfants) chanter en patois dans le village avec les costumes. Ensuite, j´ai chanté avec la société de jeunesse et j´avais beaucoup de plaisir. A 16 ans, j´avais déjà envie de chanter dans un choeur, mais je n´avais jamais le temps. Il faut dire que très jeune, à 11 ans, j´ai commencé la fanfare. Alors en plus, avec l´activité professionnelle, je n´avais pas le temps de tout faire mais je me suis dit . "Un jour, je commencerai !". En fait, j´ai réalisé un vieux rêve...

Spf : Comment vous est venue l´idée de participer à la Fête des Vignerons ?

P.B.: En fait, c´est quand j´ai pris connaissance, à peu près une année avant l´audition, de ce qui allait se faire. Ils cherchaient quelqu´un qui travaille la terre de préférence et quelqu´un d´assez jeune. Finalement, je me suis dit que j´avais le profil qu´ils cherchaient et que je pouvais essayer.

Spf : Quelle préparation avez-vous suivie ?

P.B.: J´ai rejoint les rangs du choeur Lè Tsêrdziniolè de Treyvaux (ndlr voir p. 8 ) où plusieurs de mes amis chantaient déjà. Lorsque j´ai commencé, j´ai trouvé très difficile. J´ai été très impressionné par les voix. Je trouvais que les gens étaient très musiciens et je me sentais inférieur. Je ne connaissais pas les paroles mais j´ai tout de suite eu du plaisir à participer. Et puis après, j´ai essayé de travailler ma voix. Bien sûr, j´essayais de chanter "Le ranz des vaches" en cachette.

Je ne faisais que de chanter dans la voiture, je n´avais pas le temps de chanter le soir.Vers le mois de mars, je me suis rendu compte que j´étais inscrit à l´audition et je me suis dit: "Qu´est-ce que je vais aller faire là-bas? Ça ne veut jamais aller!" Alors, je me suis rappelé que mon premier directeur, M. Tinguely, avait été lui-même finaliste en 1977. Je lui en ai parlé et il a été très sympa. Il m´a même proposé de venir à la ferme et il m´a donné 4 leçons. Il ne pouvait pas faire grand chose de plus, je n´avais pas fait le conservatoire.
Au début, il ne m´a pas donné trop d´espoir. Je ne risquais pas grand chose d´essayer. Et en même temps, plus je chantais, plus ça me libérait. Plus on répétait, plus il me disait que je faisais des progrès. 5-6 jours avant l´audition, il m´a dit : "Il ne faut plus trop chanter et le jour avant, il ne faut pas chanter".
Là, j´ai chanté en plein air, devant la maison, avec le costume, pour m´habituer à la canne. Le costume d´armaillis, je l´avais beaucoup porté mais pas pour les mêmes circonstances. Alors, il m´a dit: "Tu fais comme tu peux. Tu respires." Je l´ai beaucoup écouté, j´ai beaucoup appris de lui.

Spf : Et l´audition ?

P.B.: J´ai risqué ne pas y arriver. Je suis parti de l´alpage vers midi et demie. Je suis descendu pour l´audition et ma voiture a commencé à fumer, presque à prendre feu ! J´ai continué. Arrivé à la ferme, j´ai pris un bidon d´eau pour l´éteindre et elle n´est jamais repartie depuis ! Alors ma grand-mère m´a prêté sa voiture et je suis arrivé dix minutes avant le début de l´audition. Je me suis mis à l´écart.
Je répétais mes chants. J´étais tendu car c´était la première fois que je présentais ma voix en public. En fait, j´ai eu un peu de chance car on nous appelait par ordre alphabétique.
Bien sûr, Brodard a été appelé le premier. Là, j´ai eu une grande peur, presque la plus grande peur de ma vie. J´ai cru que j´allais partir en courant... J´ai fait la première note... j´ai fait une prière en même temps.
J´ai senti de la force et je me suis laissé aller. J´ai passé mon ranz des vaches sans aucun problème.

Spf : Quand vous avez été retenu, j´imagine que vous avez dû intensifier votre préparation ?

P.B. : Patrick Menoud qui était le premier soliste avait été entraîné par Eric Conus alors la confrérie l´a choisi pour nous préparer.
On a donc tous été formés à l´école de M. Conus depuis le mois d´octobre jusqu´à la fin juillet, à raison d´une fois par semaine au départ. On avait aussi des demandes pour aller chanter devant des assemblées de paysans, des anniversaires. Là, je n´ai pas refusé parce que je me suis dit, c´est l´occasion de me former.
Ça m´a fait vraiment du bien car je n´étais pas habitué au public. Ensuite il y a eu les répétitions dans une tente à Vevey avec tous les participants du groupe de " la parade de l´été ". Les générales avec public ont commencé vers le 24-25 juillet. Je répétais le maximum à côté.

Je répétais en cachette 1 à 2 heures par jour. Il me fallait ça. Je sentais que je pouvais encore mieux. Petit à petit ma voix est devenue plus ronde, plus cossue. J´ai pris de l´assurance.

Spf : Racontez-nous votre première interprétation devant le public des arènes à Vevey.

P.B. : Un demi-jour avant, je n´ai pas mangé. Je n´avais pas d´appétit. On avait un grand poids sur les épaules. Patrick a chanté le 30 et moi j´ai chanté le 31 juillet. Là, je n´ai pas tremblé. Mon chant a fait crescendo. Plus le temps passait, plus ma force est venue. Depuis ce soir-là, je me sens différent par rapport à ce que j´ai pu affronter. Et je suis arrivé à la fin du chant en serrant ma canne presque à se faire des cloques aux mains.

Spf : Si vous ne deviez retenir qu´un souvenir de toute cette aventure ?

P.B. : Le plus formidable, c´est l´effet des armaillis et des vaches! Moi qui aime ça, qui sort du cru, je me suis dit : " On a encore des chances d´exercer longtemps notre métier ".
Quand on voit comme la vache a été regardée symboliquement et applaudie... L´effet qu´on a eu. Tout ce que j´ai dû raconter, ma vie de fond en comble des fois et des fois sur des quantités de journaux, depuis enfant, comme je vous l´ai racontée aujourd´hui.
A quelque part, ça m´a fortifié car j´ai eu des passages de ma vie qui ont été très difficiles. Ça m´a fait du bien dans tous les sens du terme.

Spf : Et aujourd´hui l´aventure continue avec la sortie du CD du choeur " Lè Tsêrdziniolè" ?

P.B. : Oui, après la fête, on est très sollicité. Au mois de décembre, j´ai eu six engagements sur sept jours ! Avec lè Tsêrdziniolè, on a fait une cassette d´abord et un CD ensuite, enregistré à l´église de La Roche.
Ça m´a fait du bien que les femmes me disent: "En faisant la cuisine, je t´écoute Pierre et ça me donne du courage". Des femmes d´une cinquantaine d´années qui pourraient être ma mère. Souvent, c´est cette tranche-là qui est sensible.
Les témoignages les plus émouvants me viennent de gens plus jeunes que moi. Les garçons de 15-16 ans qui s´identifient à moi. Mon petit cousin de 9 ans chante le ranz des vaches à tort et à travers.
Il me suit chaque fois que j´ai des prestations tout près...
Vos réactions à cet article
 
Message envoyé par Darryld le 5/3/2012
Hum , j´aimerai savoir s´il est obpsisle de faire en sorte que "My music" de MusicBox ne stocke plus vers "var/mobile/library" mais vers un autre dossier ( cela permet via "DiskAid" de mieux ranger ses musiques je trouve) , car elle sont un peu mises au hasard les musiques sinon

 
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